Une pseudo-carrière musicale
Formation musicale
Dès mon plus jeune âge, les oto-neurones de mon jeune cerveau ont sans doute été stimulés par les mélodies serinées par mes sœurs ainées et peut-être même par les grincements d’archet du violon de mon père. En effet, durant sa jeunesse, papa avait reçu en cadeau un violon d’une de ses vieilles tantes résidant à Montréal. N’ayant reçu aucun cours de violon, il avait quand même appris en autodidacte à jouer des reels et exercé ses talents dans les soirées de danse lors des festivités nuptiales à Sainte-Angèle. C’est ainsi que j’ai sans doute hérité d’un soupçon de talent naturel pour la musique.
Un piano familial
Pour répondre aux souhaits de mes grandes sœurs, mon père avait acheté un piano droit mécanique, de marque Robitaille, à Mont-Joli. Je me souviens parfaitement avoir pédalé souvent avec mes courtes jambes sur ce piano mécanique pour jouer des pièces de Honky tong sur des rouleaux de papier perforé; aucun rouleau de musique classique cependant. On était alors dans les années quarante d’après guerre. C’est sur ce piano que j’exerçai mes petits doigts sur des airs de musique populaire ou des reels qui jouaient souvent à la radio. Ma sœur et moi jouions souvent quelques unes de ces pièces en duo.
Premières leçons
J’avais une dizaine d’années lorsque le professeur Thiboutot, ayant eu vent de mon talent naturel pour la musique, m’offrit quelques leçons de piano gratuitement. Les premières pièces musicales apprises dans le cahier I d’une méthode musicale me sont encore très fraiches à la mémoire : Nini bébé, le Printemps, etc. Je peux encore les jouer de mémoire intégralement sans partition. Après deux ou trois leçons, j’avais dévoré toutes les pièces du cahier. Dommage que je n’aie pu aller plus loin à cet âge. Mon professeur avait épuisé toutes ses ressources et je dus attendre l’entrée au Séminaire de Rimouski, comme pensionnaire, pour aller plus loin dans ma formation musicale.
Ti-Gus Lavoie
L’abbé Philippe-Auguste Lavoie, Ti-gus pour les intimes, enseignait le piano et l’orgue au Collège. Dès ma première année en Éléments latins, mes sœurs avaient insisté pour que je prenne de vraies leçons de piano, pour lesquelles elles devaient payer car mes parents n’avaient visiblement pas les moyens de le faire. C’est avec une grande satisfaction et beaucoup de bonheur que je reçus à la fois ce cadeau de mes sœurs et des leçons de piano par un vrai professeur. Avec le recul, j’avoue aujourd’hui que ces leçons de piano n’avaient rien d’extraordinaire, mais pour moi c’était nouveau et très exaltant. Cela me permettait de développer mon talent naturel en même temps que de recevoir une formation classique humaniste, réservée à l’élite, disait-on dans le temps. C’est ainsi que, année après année, je montai les divers échelons et obtins plusieurs diplômes de piano : élémentaire, secondaire I et II, supérieur I et II, enfin le Lauréat en piano qui couronnait les six années de formation. Parmi les élèves de piano que je côtoyais, il me faut mentionner cet ami Yves Chartier qui m’a accompagné tant dans les cours académiques que dans les classes de piano. Yves m’a toujours impressionné par sa culture musicale, sa curiosité, sa technique et sa rigueur dans l’exécution des pièces musicales, ainsi que ses grandes qualités humaines. Encore aujourd’hui, cette amitié n’a pas fléchi d’un iota.
Finalement, en même temps que je terminais mon apprentissage en piano, le professeur Ti-Gus m’avait offert de compléter ma formation musicale en prenant des cours d’orgue. Durant deux ans, j’appris à jouer de mes mains et de mes pieds du mieux que je pus. J’adorai ce nouvel instrument encore mystérieux pour moi. Surtout, je me régalais à faire gronder les tuyaux et à faire vibrer les murs de la chapelle. Durant ces deux années, j’eus le privilège de toucher l’orgue à l’occasion de certains offices religieux, en tant qu’assistant de l’abbé Lavoie. Durant ces cérémonies, il était de coutume de jouer sur les grandes orgues pour faire chanter l’assemblée des 600 séminaristes durant les messes. C’était plutôt tonitruant !
Titulariat à Saint-Anaclet
Après avoir terminé ma formation musicale en 1960, abandonné à toute fin pratique ma carrière de pianiste et d’organiste, même si je continuai durant les 40 années suivantes à jouer du piano à la maison pour mon plaisir et celui de mes proches, je m’engageai dans une toute autre carrière professionnelle : études de baccalauréat en physique à l’Université Laval, enseignement au collège classique Saint-Pie X de Hauterive durant deux ans et poursuite d’études doctorales en physique moléculaire, théorique et appliquée en sciences atmosphériques à Paris au cours des trois années suivantes. C’est ainsi que je me retrouvai à l’Université du Québec à Rimouski en 1972. Durant 25 ans, j’y enseignai successivement la physique atomique, la physique mathématique, quelques cours en sciences atmosphériques, la mécanique quantique et la chimie physique. Pas beaucoup de place pour la musique dans tout cela sauf les distractions au piano à travers les rencontres familiales.
En 1998, après avoir entrepris ma carrière de jeune retraité à 57 ans, le poste d’organiste titulaire à Saint-Anaclet se libéra. On me proposa de l’occuper. Après quarante ans d’oisiveté dans le domaine, le défi était grand mais je le relevai. Ma nouvelle carrière d’organiste s’étala sur treize ans. Avec acharnement, je repris contact avec le pédalier et les claviers de la console, me constituai un certain répertoire de pièces musicales pour les messes du dimanche et les funérailles. Je pris surtout plaisir à passer presque régulièrement de deux à trois heures par semaine au jubé de l’église pour mon propre plaisir, en compagnie des grands maîtres : J.-S. Bach, Alexandre Guilmant, Marcel Dupré, César Franck, Johann Pachelbel, Jean Langlais, Denis Bédard et autres. En janvier 2011, pour répondre à de multiples demandes de bénévolat dans un tout autre domaine, ne pouvant réaliser tous ces projets en parallèle, je me résignai à faire un choix un peu déchirant mais nécessaire et abandonnai ma carrière d’organiste à Saint-Anaclet. J’en ai gardé un très bon souvenir et cela m’a permis de réaliser un rêve de jeunesse avant de m’engager dans une troisième carrière qui durera je l’espère aussi longtemps que la santé me le permettra.